lundi 11 mars 2013

Pourquoi transporter l’électricité en courant continu plutôt qu’en courant alternatif ?






Le courant alternatif est aujourd’hui la technologie la plus utilisée pour transporter l’électricité en haute et très haute tension. Cela dit, dans 3 situations bien spécifiques, il peut être techniquement plus avantageux d’utiliser le courant continu. C’est le cas pour certaines interconnexions et pour les lignes aériennes, souterraines ou sous-marines au-delà d’une certaine longueur.  Explications signées Olivier Grabette, responsable R&D et innovation chez RTE.  
Aujourd’hui, sur un réseau à haute et très haute tension, il existe principalement 3 cas de figure, dans lesquels le courant continu peut être plus intéressant que le courant alternatif, voire incontournable.
Le saviez-vous ? Le réseau de transport d’électricité fonctionne en courant alternatif. Raccorder une liaison en courant continu au réseau impose ainsi la construction de deux stations de conversion. A chaque extrémité de la liaison en courant continu, elles convertissent le courant alternatif en courant continu, et inversement.

Station de conversion à Fulong (liaison en courant continu Xiangjiaba-Shanghai) en Chine ©ABB
1er cas : lignes aériennes sur de très longues distances
  • D’un point de vue technique
Lorsqu’une ligne aérienne à haute ou très haute tension atteint ou dépasse une distance de l’ordre de 1 500 km, le transport en courant continu s’impose pour des raisons techniques. En effet, en technologie alternative, plus la longueur de la ligne augmente, plus le déphasage est important. Et à partir de 1 500 km de long, qui correspond à un déphasage de 90°, on rencontre des problèmes de synchronisation et de stabilité sur le réseau.
Des liaisons aériennes en courant continu ont ainsi été construites dans les pays, où les sites de production sont très éloignés des zones de consommation : au Canada, en Chine, Inde, Brésil…
Exemple avec la liaison Xiangjiaba-Shanghaï en Chine, qui relie sur 1 900 km, les centrales hydrauliques des régions montagneuses à la ville de Shanghaï.Citons aussi la ligne de transport d’électricité à courant continu, qui relie sur 1480 km, la Baie-James (au Nord du Québec), à Sandy Pond près de Boston (Etats-Unis).
Liaison Xiangjiaba-Shanghaï en Chine, liaison entre la Baie-James (Nord du Québec) et Sandy Pond près de Boston (Etats-Unis). ©ABB
Liaison Xiangjiaba-Shanghaï en Chine, liaison entre la Baie-James (Nord du Québec) et Sandy Pond près de Boston (Etats-Unis). ©ABB
  • D’un point de vue économique
L’utilisation du courant continu suppose des coûts d’investissement importants (construction des stations de conversion). Cela dit, à partir d’une certaine distance, une ligne aérienne de transport en courant continu permet des gains significatifs (entre autres, parce qu’on a besoin de 2 câbles en continu, au lieu de 3 en alternatif). Ainsi, le courant continu peut être une solution plus économique lorsqu’une ligne aérienne à haute et très haute tension s’étend au-delà de 600 km.
2ème cas : lignes d’interconnexion entre 2 réseaux asynchrones
Aujourd’hui, deux réseaux asynchrones ne peuvent pas être interconnectés en courant alternatif. La technologie en courant continu est alors techniquement nécessaire pour gérer le décalage de fréquence entre les deux réseaux concernés, et pour assurer la liaison d’interconnexion en toute sécurité.
Memo technique : deux réseaux sont asynchrones quand ils ne sont pas exploités à la même fréquence à tout instant. Ce peut être le cas entre deux réseaux de transport d’électricité de deux régions ou pays différents.
Exemple avec  l’interconnexion Sakuma-ShinShinano, entre le Nord et le Sud du Japon, respectivement à la fréquence 50 et 60 Hertz.
3ème cas : liaisons souterraines ou sous-marines au-delà de 50 km
Au-delà de 50 km sur une ligne souterraine ou sous-marine à très haute tension, on ne peut pas acheminer l’électricité en courant alternatif. Pour des raisons techniques, les courants continus sont plus adaptés à des câbles immergés ou enterrés sur de longues distances.
Bon à savoir : à l’inverse, au-dessous de 50 km, la technologie aérienne en courant alternatif est souvent préférée à la technologie souterraine en courant continu. C’est son coût plus avantageux, qui amène, en général, les collectivités à ce choix.
Les liaisons souterraines ou sous-marines en courant continu, supérieures à 50 km : souvent, elles alimentent une île, raccordent une ferme éolienne off-shore au réseau terrestre, ou interconnectent deux réseaux séparés par la mer.
Exemple avec NorNed qui relie la Norvège et les Pays-Bas sous la mer du Nord. Avec 580 km, c’est le câble électrique sous-marin le plus long au monde ! (voir carte ci-contre)
Exemple aussi avec l’interconnexion entre la France et la Grande-Bretagne. Une liaison à courant continu, sous la Manche, s’est imposée en 1986 comme le meilleur compromis technique et économique, compte tenu de la distance totale de la liaison entre les deux stations de conversion des deux pays (environ 70 km).

Interconnexion IFA 2000 entre la France et la Grande-Bretagne, station de conversion à Bonningues-lès-Calais (France) ©RTE
Par ailleurs, le projet d’interconnexion France-Espagne est également prévu en courant continu sur 65 km en souterrain, sous les montagnes des Pyrénées.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire