Dans une
centrale de production, les protections ont pour but d’éviter la détérioration
des alternateurs ou transformateurs en cas de fonctionnement dans de mauvaises
conditions, dues à des défaillances internes, tels que défauts d’isolement ou
panne de régulation. Sur des matériels bien conçus, bien fabriqués, bien
installés, bien entretenus et bien exploités elles n’ont à fonctionner qu’exceptionnellement,
et leur défaillance peut passer inaperçue. De plus, si une protection est
défaillante lors d’un incident, les dommages causés à l’alternateur ou au
transformateur peuvent avoir des conséquences
financières importantes, mais qui restent internes à la compagnie de
production d’électricité: perte de production, qui doit être compensée par des
moyens de production moins économiques, et réparation de l’appareil endommagé.
Sur un réseau de
transport, le problème se pose de manière totalement différente:
D’abord, une
ligne aérienne, qui passe sur le domaine public, est périodiquement sujette à
des courts-circuits, dus aux coups de foudre, aux arbres mal élagués, grues et
engins de grande hauteur travaillant au voisinage, vent, pollution... Une bonne
conception de la ligne peut les minimiser, mais pas les éliminer. Sur le réseau
de transport d’EDF, nous observons en moyenne 7 défauts par an et par 100 km .
Ensuite, une
ligne qui chauffe s’allonge, et son point bas, en milieu de portée, s’abaisse.
Elle devient dangereuse pour les tiers. Les conséquences peuvent alors se
chiffrer, non plus en millions de francs, mais en nombre de vies humaines. Et c’est
pourquoi les systèmes de protection comportent des dispositifs de secours qui,
en cas de mauvais fonctionnement des équipements devant intervenir pour un
défaut donné, assurent la mise hors tension de l’ouvrage défectueux, quelles qu’en
soient les conséquences pour l’alimentation électrique de la région.
Un
fonctionnement défectueux d’une protection peut donc avoir pour conséquence la
coupure d’un ou plusieurs clients, voire même d’une ville entière, prioritaires
compris. Or, lorsqu’un client industriel de 10 MW est coupé pendant 6 minutes,
par exemple, cela ne correspond pas seulement à 1 MWh d’énergie non vendue
pendant cette coupure, mais aussi à l’énergie non vendue pendant les quelques
heures que le client mettra à repartir. Mais cela correspond surtout à un
client mécontent, qui aura perdu plusieurs heures de sa production, et qui aura
peut-être subi des détériorations de matériel. S’il s’agit d’une ville entière,
EDF devra rendre des comptes, en tant que service public, aux autorités
locales, voire même nationales.
Enfin, les
protections contre les situations anormales de réseau jouent un rôle primordial
dans la prévention des effondrements de réseau, et c’est sur elles, autant que
sur les régulations de groupes de production et les téléréglages de ces
groupes, qu’a porté tout l’effort des responsables de la conduite des réseaux
lorsque la leçon a été tirée de la panne du 19 Décembre 1978.
Ces différentes
considérations montrent que l’activité « protections et automatismes »
du réseau de transport est, à EDF comme dans toute société de distribution d’électricité,
une activité stratégique, qui
conditionne la légitimité de cette société
vis-à-vis de la communauté, nation, région, ville, qu’elle dessert.
(allocution que j’ai prononcée le 30 Octobre 1993, à l’intention
de MM Ghislain Weisrock et Marcel Bénard, qui avaient alors la responsabilité
du Contrôle Electrique pour la
région Est de la France. J ’avais
alors tenter, vainement, de leur en
faire comprendre l’utilité)
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