samedi 15 juin 2013

Prévention des accidents électriques


Généralités
sur le risque électrique
1.1 Légende et histoire
du risque électrique
Les historiens de la science se réfèrent avec complaisance aux
textes bibliques et aux témoignages anciens. L’histoire de l’électricité
n’a pas échappé à leurs investigations, et plus particulièrement le
risque électrique.
On a trouvé dans les textes bibliques une référence inattendue :
l’arche d’alliance aurait été la première machine électrique. Soumise
aux champs électriques qui, dans la zone désertique, peuvent
atteindre plusieurs centaines de volts par mètre à 2 m du sol, son
armature métallique pouvait se charger à un potentiel dangereux,
et foudroyer les impies, tout en restant sans danger pour les prêtres
enfermés dans leur cage de Faraday constituée de fils d’or tissés
dans leurs vêtements. L’arche était équipée d’anneaux d’or aux
quatre angles dans lesquels coulissaient des bâtons de bois d’acacia
recouverts d’or, réalisant ainsi la première mise à la terre.
L’électricité, sous la forme de ses manifestations atmosphériques
a été longtemps considérée comme l’esprit du mal, l’effet de la colère
des dieux. L’histoire abonde des tentatives tragiques de nombreux
chercheurs et même, parmi eux, deux rois qui imaginèrent des systèmes
de protection contre la foudre. Au Xe siècle, le savant Gerbert,
plus connu sous le nom de pape Sylvestre II, jalonnait le sol de
perches terminées par des fers de lances très pointus pour protéger
les lieux.
________________________________________________________________________________________________ PRÉVENTION DES ACCIDENTS ÉLECTRIQUES
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© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie électrique D 5 100 3
La découverte des propriétés de l’électricité statique avec la bouteille
de Leyde, vers 1746, et les expériences de décharge électrique
que propageait le savant abbé Nollet a polarisé pour un temps
l’opinion qui se ruait dans les salons parisiens.
Mais les savants, poursuivant les recherches pour domestiquer la
foudre établirent un rapport entre celle-ci et l’électricité. Il y a deux
siècles, Benjamin Franklin réalisa de nombreuses expériences (le
cerf-volant restant la plus célèbre) ; il adopta le premier la notion
d’isolement électrique de l’opérateur avec des fils de soie, et posa le
principe de la mise à la terre. Cette précaution importante était bien
connue de son contemporain, le professeur Richmann, membre de
l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg qui, répétant des
expériences sur la foudre (celles de Franklin, Buffon, Lemonnier, de
Romas et autres) avait été électrocuté, le 6 août 1753. Par temps
d’orage, se disposant à mesurer les décharges au moyen d’un électromètre
« n’étant plus qu’à un pied du conducteur, un globe de feu
bleuâtre, gros comme le poing, vint le frapper au front et l’étendit
mort ». On peut le considérer comme étant le premier exemple,
attesté scientifiquement, d’accident électrique.
Vers 1790, l’anatomiste italien Galvani entra dans le domaine des
réactions de l’organisme animal au courant électrique avec ses expériences
sur les grenouilles, et Volta, pour réfuter les conclusions du
premier, construisit la première pile électrique qui marque le début
de la nouvelle et grande période de l’électricité.
Les premières études scientifiques sur l’action physiologique du
courant électrique s’engagèrent alors en France et les noms des
chirurgiens des armées impériales Larrey et Bichat y sont attachés,
tandis que le docteur Uré réalisa les premières expériences de
réanimation des électrisés. La voie était ouverte à ces méthodes dont
on connaît l’importance aujourd’hui.
Des recherches sur les effets physiopathologiques du courant
électrique ont été effectuées par de nombreux chercheurs ; parmi
eux, il convient de citer les noms de Dalziel, Ferris, Jacobsen,
Knickerbocker, Koeppen, Sam, Ozypka, Lee... Ces travaux ont porté
sur des animaux vivants dont les réactions peuvent être extrapolées
par rapport à celles de l’homme. Des mesures de résistance ont
également été effectuées sur des cadavres humains peu de temps
après leur décès.
Entre 1970 et 1980, le professeur autrichien Biegelmeier s’est livré
sur lui-même à des mesures de courant et d’impédance sous des
tensions allant de 10 à 220 V, entre différentes parties de son corps
et dans différentes conditions d’humidité. Il a ainsi effectué plus de
600 mesures qui ont permis d’améliorer de façon importante nos
connaissances sur les effets du courant électrique sur le corps
humain. Inutile de préciser que cet homme courageux s’était entouré
de toutes les précautions nécessaires pour éviter tout risque
d’accident ; en particulier, le circuit qui l’alimentait était protégé par
quatre dispositifs différentiels de 30 mA en série, et son assistant
disposait des moyens de réanimation nécessaires.
1.2 Normalisation
En 1969, la Commission électrotechnique internationale décida
d’établir les seuils d’apparition de danger en fonction des divers
paramètres qui agissent toujours en interdépendance étroite (en
particulier le courant i et le temps t avec la charge q = it ), afin
notamment de permettre aux différents comités d’études de fixer
avec précision les règles de sécurité que devaient respecter les
matériels et installations électriques. Il s’agissait, en particulier, de
déterminer les conditions de protection qui devaient permettre aux
dispositifs à courant différentiel résiduel d’assurer une protection
contre les contacts directs en cas de défaillance des autres mesures
de protection.
Cette étude fut confiée par la CEI au groupe de travail no 4 du
Comité d’études 64 – Installations électriques des bâtiments. Ce
groupe de travail, composé de médecins, de physiologistes, d’ingénieurs
de sécurité, publia dès 1974 un premier rapport portant
l’indice 479 et donnant une première approche des dangers du
courant électrique passant par le corps humain ; cette publication
reconnaissait notamment que la probabilité d’apparition des
accidents était très faible dans des circonstances habituelles, à des
tensions inférieures ou égales à 50 V en courant alternatif à 50 Hz
et à 75 V en courant continu.
Ayant rassemblé toute la littérature disponible à ce sujet, le groupe
de travail reprenait ses études d’une façon plus approfondie et une
deuxième édition de la publication 479 était publiée en deux parties,
comprenant six chapitres ; ce rapport donne des informations très
complètes :
— le rapport 479-1, sur les valeurs de l’impédance électrique du
corps humain, sur les effets du courant alternatif de 1,5 à 100 Hz,
sur les effets du courant continu ;
— le rapport 479-2, sur les effets des courants de fréquence
supérieure à 100 Hz, les formes d’onde spéciales, les impulsions de
courte durée.
Le groupe de travail prépare une troisième édition du rapport
479 tenant compte, d’une part, des plus récentes expériences du
professeur Biegelmeier sur lui-même et, d’autre part, de nouvelles
mesures effectuées sur des animaux ; la première partie Aspects
généraux étant publiée.
Nota : pour les réglementations, les normes et les organismes, le lecteur se reportera à
la fiche documentaire [Doc. D 5 100] Pour en savoir plus.
1.3 Statistiques d’accidents électriques
Il n’existe pas, en France, de structure nationale permettant
l’établissement d’une statistique exhaustive sur l’origine des accidents.
Des éléments partiels sont cependant disponibles auprès des
divers organismes intéressés, susceptibles de donner une représentation
assez cohérente ; la principale difficulté est, toutefois, de
discerner les causes premières de ces accidents qui, sauf cas particuliers,
ne sont pas connues avec suffisamment de précisions, et
peuvent également faire l’objet d’interprétations diverses.
1.3.1 Statistiques de l’INSERM
L’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale)
recense la plupart des cas mortels. Le tableau A en [Doc. D 5 100]
en récapitule les données.
1.3.2 Statistiques de l’INRS
Ces statistiques de l’INRS (Institut national de recherche et de
sécurité) couvrent le domaine général des accidents du travail. Le
tableau B en [Doc. D 5 100] en récapitule les données.
L’analyse d’une centaine d’accidents sur des installations à basse
tension, sur une quinzaine d’années, montre la répartition qui suit
(INRS ES 325).
Exemples
— Prenons le cas d’une chute d’échelle causée par un choc
électrique : le décès éventuel sera classé sous la rubrique « chutes ».
— Nombreux sont les incendies réputés provenir d’un court-circuit ;
ce qui est certain, c’est que, en cas de feu, des courts-circuits se
produisent ; sont-ils survenus avant ou après le départ du feu ? cela
reste à discerner.
PRÉVENTION DES ACCIDENTS ÉLECTRIQUES ________________________________________________________________________________________________

Emplacement
Ateliers ................................ 45 % Autres ............................. 35 %
Chantiers ............................. 10 % Non précisés .................. 10 %
La majorité des accidents a lieu sur des emplacements autres
que les chantiers. Ce résultat n’est pas surprenant puisque ces
accidents ne tiennent pas compte de ceux survenant avec des
lignes aériennes des domaines à basse tension (BT) ou à haute tension
(HT), qui sont très fréquents sur les chantiers.
Matériel en cause
Canalisations....................... 10 % Armoires, coffrets, prises
Machines............................. 45 % de courant .................. 45 %
Nature du travail
Installation, modification, Autres travaux ............... 1 %
rénovation ....................... 23 % Travaux d’ordre non
Dépannage.......................... 42 % électrique .................... 30 %
Nettoyage............................ 2 % Non précisé .................... 2 %
On constate que les accidents surviennent, dans la majorité des
cas, au cours de dépannages et, souvent, au cours de travaux d’ordre
non électrique.
Qualification du personnel accidenté
Qualification suffisante...... 50 % Qualification sans rapport
Qualification insuffisante... 20 % avec l’accident............ 30 %
Les victimes ont dans leur majorité une qualification suffisante
pour les travaux qui leur ont été fixés.
Conséquences de l’accident
Décès ................................... 32 % Chocs électriques .......... 36 %
Brûlures ............................... 42 %
Nature du contact
Contact direct ..................... 45 % Court-circuit.................... 30 %
Contact indirect .................. 20 % Non précisé .................... 5 %
On constate donc que :
— près de la moitié des accidents est due à des contacts avec
des conducteurs ou pièces nues sous tension ;
— 20 % le sont par suite de défaut d’isolement ;
— le tiers à la suite d’un court-circuit au cours de travaux.
En excluant les défauts d’isolement et en localisant les matériels
sur lesquels ont eu lieu les autres accidents, on trouve que plus de
la moitié des accidents surviennent lors d’interventions dans des
armoires et dans des coffrets (42 %) ou sur de l’appareillage (28 %),
10 % se produisant avec des canalisations.
Travaux sous tension
Nécessaires ......................... 20 % D’ordre non électrique.. 30 %
Non nécessaires ................. 45 % Non précisé .................... 5 %
On voit que près de la moitié des accidents est survenue lors de
travaux où il n’était pas nécessaire de laisser les installations correspondantes
sous tension. Parmi ces derniers, la victime était suffisamment
qualifiée dans plus de la moitié des cas.
Sur la centaine d’accidents analysés précédemment, on s’aperçoit,
par ailleurs, que la proportion des principaux facteurs
déterminants est la suivante :
Installations Travail mal organisé...... 35 %
défectueuses ................... 28 % Ignorance du risque ...... 5 %
Matériel défectueux ........... 4 % Fausse manoeuvre......... 2 %
Matériel inadapté ............... 3 % Mouvement inopiné...... 1 %
Opérateur non qualifié ...... 15 % Non précisé .................... 7 %
Les causes prépondérantes des accidents sont par conséquent,
dans l’ordre d’importance, la mauvaise organisation du travail, les
installations défectueuses et la non-qualification des intervenants.
Si on intègre cette non-qualification dans l’organisation du travail,
on constate que cette dernière est, à elle seule, la cause de la moitié
des accidents.
1.3.3 Statistiques de l’OPPBTP
L’OPPBTP (Organisme professionnel de prévention du bâtiment
et des travaux publics), qui joue le rôle de conseil en matière
d’hygiène, de sécurité et des conditions du travail pour ces professions,
tient à jour des statistiques précisant les causes des accidents
de toute nature. Le tableau E en [Doc. D 5 100] résume la situation
pour plusieurs années.
L’électricité représente 7 à 10 % des décès immédiats rapportés
à la totalité des accidents du BTP, sa gravité est nettement plus élevée,
puisque les décès représentent 35 à 56 % des seuls accidents
de cette nature.
Le tableau D en [Doc. D 5 100] donne l’analyse des causes pour
ces mêmes années. Les précisions de ces statistiques sont intéressantes
en raison des actions de prévention spécifiques qu’elles
induisent.
Pour mieux situer la place particulière du BTP dans l’ensemble
des activités salariées, d’une part, et celle de l’électricité, d’autre
part, il suffit de rappeler que, aux termes d’une enquête de l’OPPBTP
datant de 1989, le BTP représente 21 % des accidents avec arrêt de
travail et 33 % des accidents mortels, tandis que l’électricité, si elle
est la cause de 0,2 % des arrêts de travail en général, et de 0,3 %
dans le BTP, voit sa contribution s’élever, pour les accidents mortels,
à 3,2 % dans le cas général et à 8,3 % dans le BTP. Le BTP représentant
les deux tiers des décès dus à l’électricité par rapport au cas
général, on comprend qu’il reçoive la priorité des préoccupations,
dans cet article.
2. Nature et importance
des accidents d’origine
électrique
2.1 Terminologie
Il convient de rappeler d’abord la terminologie propre aux accidents
d’origine électrique.
L’électrisation désigne tout accident électrique, mortel ou non.
Elle peut se traduire par une simple commotion, qui peut ne pas
avoir de suite, ou, à l’opposé, par un état de fibrillation ventriculaire,
entraînant la mort.
L’électrocution est un accident mortel, dû à l’électricité.
La fibrillation ventriculaire qui peut suivre l’électrisation est un
état transitoire de l’organisme, dit état de mort apparente, qui correspond
à un rythme de fonctionnement anarchique du coeur sous
l’effet du passage d’un courant électrique de faible intensité (de
l’ordre de quelques dizaines de milliampères (figure 1). Ce régime
cardiaque perturbé du coeur peut se prolonger et l’arrêt définitif du
coeur se produire s’il n’y a pas d’intervention extérieure de réanimation
(ventilation artificielle, massage cardiaque) permettant le maintien
de la survie en attendant l’arrivée des secours médicalisés
d’urgence.

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