samedi 15 juin 2013

Alternateurs hydrauliques et compensateurs


Technologie de l’alternateur
hydraulique
On peut d’une manière générale classer les alternateurs suivant
leur vitesse :
— les vitesses élevées supérieures à 500 tr/min ;
— les moyennes vitesses comprises entre 150 et 500 tr/min ;
— les basses vitesses inférieures à 150 tr/min.
Nota : pour la structure de l’alternateur hydraulique, le lecteur se reportera, dans ce
traité, à l’article Construction mécanique des machines électriques tournantes [D 3 780].
1.1 Circuit magnétique du stator
Pour les alternateurs hydrauliques, le circuit magnétique se
présente comme une couronne de grand diamètre (de 10 à 20 m dans
les plus grandes unités), d’une hauteur de 1 à 3 m environ, la plupart
du temps à axe vertical. Cette couronne est constituée par un
empilage enchevêtré de segments de tôles magnétiques isolées et
serrées sous une pression de 0,7 à 1,5 MPa entre des plateaux
d’extrémité.
Le diamètre du circuit magnétique étant généralement élevé, entre
l’état froid et le fonctionnement en charge à chaud, la dilatation
radiale atteint couramment plusieurs millimètres ; pour éviter que
cette dilatation ne crée des déformations ou contraintes locales
préjudiciables au bon comportement dans le temps, la technique
d’empilage, de serrage, de liaison entre circuit magnétique et
carcasse et entre carcasse et assises vise à constituer un ensemble
symétrique à dilatation isotrope à faibles contraintes.
Compte tenu des grandes dimensions, le circuit magnétique est
construit sur le site, soit à partir de fractions déjà empilées (par
quarts, par exemple) (figure 1), soit, dans les plus grandes unités,
à partir des segments eux-mêmes complètement empilés en
centrales, ce qui évite tout joint dans la couronne, donc toute
anisotropie dans le comportement.
1.2 Carcasse. Enroulements
Celle des alternateurs hydrauliques remplit un nombre important
de fonctions :
— elle assure la reprise des efforts exercés sur le circuit magnétique
(serrage, poids des parties actives, couples normaux et
accidentels, efforts d’attraction magnétique tournants ou unidirectionnels,
efforts de dilatation) ;
— elle guide l’air vers les réfrigérants ;
— elle permet la manutention du stator ;
— elle participe à la rigidité du support du palier supérieur
lorsqu’il existe, et, par là même, à la stabilité de la ligne d’arbre.
Actuellement, les grandes carcasses sont des pièces mécanosoudées
constituées de flasques plans annulaires entretoisés par des
caissons verticaux (figure 2) ; les éléments sont préparés en ateliers
et les différentes parties, de grandeur maximale compatible avec les
moyens de transport, sont assemblées sur le site par boulonnage
ou par soudure.
Nota : le lecteur pourra se reporter, dans ce traité, aux articles Bobinages des machines
tournantes. Schémas [D 437] et technologie [D 3 420].
À cause de la vitesse réduite des alternateurs hydrauliques, donc
du nombre de pôles élevé, leur enroulement présente, par rapport à
celui des turboalternateurs, la particularité d’avoir un nombre
d’encoches par pôle et par phase faible et rarement entier, généralement
fractionnaire, par exemple de la forme 2 + 4/7 pour une
machine à 28 pôles, conduisant à des schémas de bobinage
beaucoup plus complexes.
La condition d’équilibre des phases impose que :
— le nombre d’encoches soit divisible par le nombre de phases
et par le nombre de parties en parallèle ;
— le dénominateur de la fraction ne soit pas divisible par le
nombre de phases ;

_______________________________________________________________________________________ ALTERNATEURS HYDRAULIQUES ET COMPENSATEURS

— pour le cas général des machines triphasées, le nombre de
pôles étant multiple de 3 a (a = 0, 1 ou 2), le nombre d’encoches doit
être multiple de 3a + 1.
Une conséquence du nombre fractionnaire d’encoches par pôle
et par phase est que la périodicité du champ de réaction d’induit
ne s’établit que sur un nombre élevé de pôles : il en résulte des ondes
de force d’attraction magnétique de période élevée, par exemple
1/4 de circonférence, pouvant conduire par modulation de
l’attraction magnétique entre stator et rotor à des déformations
périodiques engendrant du bruit. Il y a donc lieu de calculer l’importance
de ces ondes spatiales et de respecter certaines règles pour
maintenir les vibrations du circuit magnétique à un niveau
acceptable (dans le traité Mesures et Contrôle, article Vibrations des
structures industrielles [R 3 140]). La réaction d’induit à longue
périodicité est, d’ailleurs, non seulement une source de vibrations,
mais aussi de pertes de puissance dans l’enroulement amortisseur
et à la surface des pôles, dues aux courants induits par les nombreux
harmoniques d’espace non synchrones de la réaction d’induit.
Les tensions utilisées pour les alternateurs hydrauliques sont de
valeurs moindres que celles des grands turboalternateurs, d’une part
parce que les générateurs hydrauliques n’atteignent pas des
puissances aussi élevées que les turboalternateurs (environ 800 MVA
contre 1 700 MVA), d’autre part parce que le grand nombre de pôles
permet un montage en parties parallèles plus nombreuses que dans
les turboalternateurs à 2 ou 4 pôles seulement.
La tension n’est généralement pas rigidement standardisée ; dans
chaque pays on s’efforce de respecter des échelons conseillés de
tension, par exemple en France 3,3 - 5,65 -10,3 -15,5 kV, mais on
choisit assez fréquemment la tension conduisant au prix minimal
de l’ensemble de l’alternateur et de sa liaison au transformateur.
Un ordre de grandeur approché de la tension optimale U (en kV)
d’un alternateur hydraulique est donné par la formule où
S en MVA est la puissance apparente ; par exemple, on a 10 kV
pour 100 MVA.
La permutation Roebel est, généralement, employée pour constituer
les barres de l’enroulement, mais pas universellement, car le
niveau réduit du courant par encoche autorise dans certains cas des
permutations moins parfaites (par exemple, une simple inversion
dans les têtes de bobines) ; ce type de bobinage dit à spires est
surtout utilisé dans les alternateurs de puissance modeste (quelques
dizaines de MVA) à tension relativement élevée, car il permet de
monter plus de 2 barres en série dans l’encoche, sans compliquer
exagérément les connexions frontales.
1.3 Isolation et calage
Les enroulements comportant des anciennes isolations à la
gomme-laque ou à l’asphalte n’existent généralement plus que sur
des machines antérieures à 1955-1960 et sont remplacés, au fur et
à mesure de leur vieillissement (gonflement local de l’isolation,
ionisation interne, etc.), par des enroulements utilisant des résines
synthétiques comme base du système isolant. Les isolations
actuelles sont constituées par un enrubannage continu, le ruban
comportant un support généralement en soie de verre et portant une
couche de mica, soit en splittings, soit en microsplittings, agglomérés
par une résine synthétique généralement époxyde ou
époxyde-novolaque ; la résine peut préimprégner le ruban ou être
injectée dans l’isolation, posée sèche sur la barre. L’isolation subit
un traitement de polymérisation approprié au type de résine utilisé.
La barre est ensuite revêtue de peinture conductrice dans sa partie
droite, pour fixer le potentiel de la surface extérieure, et de peinture
à haute résistivité dans les têtes de bobines, pour répartir
régulièrement le gradient de potentiel et éviter l’ionisation.
La classe d’isolation définit la température maximale à laquelle
l’alternateur peut fonctionner sans risque de dégradation thermique
(classe B : 130 oC, classe F : 155 oC) ; la plupart des isolations synthétiques
modernes sont de la classe F, mais utilisées généralement en
température de classe B par les exploitants qui gardent, ainsi, une
marge de sécurité importante.
Le calage de l’enroulement des alternateurs hydrauliques est
plus simple que celui des turboalternateurs car, d’une part, les
efforts électrodynamiques sont beaucoup plus réduits, d’autre part,
la longueur de l’enroulement hors du fer est nettement plus
courte : les têtes de bobines sont ligaturées sur un ou deux
anneaux d’appui fixés sur la carcasse. La tenue au court-circuit de
l’enroulement est souvent vérifiée au cours de la mise en service
d’un nouvel alternateur.
1.4 Noyaux polaires
Les pôles doivent créer l’induction magnétique et canaliser les
lignes de champ en lui assurant une distribution convenable dans
l’entrefer (figure 3). Ils doivent aussi :
— étouffer les ondes de champ non synchrones et amortir les
oscillations (amortisseur) ;
— présenter le moins de fuites magnétiques possible ;
— respecter, sur les bobines, l’échauffement garanti ;
— soutenir les bobines contre les composantes radiale et
tangentielle de la force centrifuge ;
— résister, par leurs attaches, à leur propre force centrifuge ;
— présenter une rigidité propre, suffisante pour transmettre le
couple moteur depuis la jante jusqu’au niveau de l’entrefer.
La distribution de l’induction magnétique est conditionnée par la
forme de l’épanouissement polaire dont le profil est tracé (figure 4)
en vue de conduire à une répartition la plus proche possible de la
sinusoïde, afin de contenir le moins d’harmoniques de champ
possible donc de minimiser les pertes de puissance dans le circuit
magnétique du stator. On peut noter en passant que ce n’est pas
tellement la garantie du taux d’harmoniques de la forme d’onde de
la force électromotrice (fém), généralement fixé à 5 %, qui
conditionne le profil du pôle, car l’enroulement statorique, ayant
souvent un nombre fractionnaire d’encoches par pôle et phase,
permet d’extraire une onde de tension assez pure à partir d’une onde
de champ polluée d’harmoniques.
Le profil du pôle peut être conditionné, dans quelques cas difficiles,
par les contraintes mécaniques dues à la force centrifuge appliquée
aux bobines polaires qui prennent leur appui sur la face interne de
l’épanouissement.
U = S

ALTERNATEURS HYDRAULIQUES ET COMPENSATEURS ________________________________________________________________________________________

Le noyau polaire est généralement constitué par des tôles
découpées, d’épaisseur comprise entre 1 et 2,5 mm, serrées entre
deux plaques d’extrémité en acier coulé ou forgé, au moyen de
tirants boulonnés, rivés ou soudés sur les plaques polaires ; les tôles
polaires ne sont pas isolées entre elles car le champ principal qui
y règne est constant. Seuls les champs non synchrones parasites
sont variables, mais la faiblesse des fém correspondantes ne justifie
généralement pas une isolation qui est suffisamment assurée par
l’oxydation naturelle des tôles.
Le noyau polaire et sa bobine inductrice sont retenus contre la
force centrifuge par la liaison entre pôle et jante : cette liaison se
fait par vis pour les basses vitesses périphériques (N < 150 tr/min
et diamètre du rotor < 4,5 m), par queue d’aronde ou par clé en T
pour des vitesses supérieures.
1.5 Bobines inductrices. Amortisseurs
L’inducteur des alternateurs hydrauliques n’est pas constitué par
un enroulement à distribution spatiale de la force magnétomotrice
(fmm) voisine de la sinusoïde comme ceux des turboalternateurs,
mais par de simples solénoïdes massés sur chaque pôle (figure 4)
puisque la modulation de l’induction est réalisée par la modulation
de la réluctance d’entrefer, créée par le profil des pôles.
La bobine polaire est constituée par un solénoïde à spires jointives,
formé de conducteurs de cuivre méplats enroulés sur chant, soit par
roulage direct, soit par brasage aux angles. L’isolation entre spires
est faite au moyen de bandes isolantes collées au cuivre, à base de
stratifiés de verre ou polyimide, imprégnées pour permettre l’agglomération
sous pression ; l’isolation entre bobine et corps polaire est
réalisée par deux cadres en stratifié de tissu de verre imprégné et
par une chemise, en isolant stratifié de verre ou Nomex, moulée sur
le noyau polaire.
Le refroidissement des bobines polaires est généralement assuré
uniquement par la ventilation de leur face externe dans l’espace
interpolaire. Cette face a souvent sa surface développée par un profil
spécial du cuivre ou par le décalage de certaines spires afin
d’améliorer le refroidissement. Quelquefois, la bobine est ventilée
également sur sa face interne par aménagement d’un canal d’air
entre bobine et pôle. D’autres systèmes plus perfectionnés encore
existent sur certains alternateurs spéciaux, permettant d’accroître
considérablement la surface de contact avec l’air, par exemple la
ventilation axiale sur les quatre faces dans les groupes bubles (§ 4.1)
ou la ventilation interne par cuivre fraisé à écoulement transversal
où la surface peut être multipliée par plus de dix (figure 5) dans
certains alternateurs ou compensateurs synchrones.
L’épanouissement polaire porte à sa surface l’enroulement
amortisseur : celui-ci est constitué de barres rondes, généralement
en cuivre, quelquefois en alliage cuivreux à résistivité plus élevée,
lorsque cet enroulement sert non seulement à amortir les oscillations
et les ondes de champ non synchrones, mais aussi comme enroulement
de démarrage en moteur asynchrone (compensateurs
synchrones et groupes moteurs-générateurs des stations de
pompage). Les barres de l’amortisseur sont brasées sur des anneaux
de court-circuit à chaque extrémité de la machine ; ces anneaux sont
nécessairement complets quand l’enroulement sert au démarrage,
ils peuvent ne pas être reliés de pôle à pôle (amortisseur à grille)
lorsque l’enroulement ne sert qu’à amortir les oscillations et à réduire
les harmoniques d’ordre élevé. Les contraintes très sévères
appliquées aux amortisseurs pendant les démarrages asynchrones
seront examinées (§ 3.1.3.6).
Pour certains alternateurs rapides ou compensateurs synchrones,
il est judicieux d’utiliser des noyaux polaires entièrement massifs
(figure 4) en acier forgé ou coulé selon les caractéristiques mécaniques
nécessaires ; dans ces cas, il n’est pas prévu d’enroulement
amortisseur car la surface polaire joue elle-même le rôle d’un enroulement
amortisseur continu pouvant notamment assurer le démarrage
asynchrone à condition de prévoir des connexions électriques
convenables de pôle à pôle.

_______________________________________________________________________________________ ALTERNATEURS HYDRAULIQUES ET COMPENSATEURS
C’est la partie du rotor résistant à l’éclatement ; les fonctions et
contraintes imposées à la jante sont :
— résister à la force centrifuge des pôles et à sa propre force
centrifuge, à la vitesse d’emballement, en respectant une contrainte
acceptable dans le métal ;
— assurer la fermeture du champ magnétique d’un pôle à l’autre
sans introduire de saturation ;
— participer si possible à la ventilation radiale de la partie active
de l’alternateur ;
— transmettre le couple moteur normal et résister par inertie aux
couples alternatifs accidentels de court-circuit ou de couplage hors
synchronisme ;
— fournir lorsque nécessaire le complément d’inertie pour assurer
les garanties relatives au fonctionnement du groupe.
La technologie de la jante est fonction de la vitesse de rotation
et des dimensions du rotor.
Pour les vitesses élevées (428 à 1 500 tr/min), l’acier forgé est
souvent utilisé soit sous forme d’un simple renflement de l’arbre
comme pour les turboalternateurs, dans lequel on taille les
logements des attaches de pôles (1 500 tr/min), soit sous forme
d’anneaux montés à chaud sur l’arbre (428 à 1 000 tr/min). La figure 6
montre un rotor à jante en disques forgés de diamètre 3,43 m d’un
alternateur de la centrale de Grand’Maison (8 alternateurs de
170 MVA à 600 tr/min). On peut difficilement dépasser un diamètre
de 4 m dans cette technique.
Pour les basses et moyennes vitesses conduisant à des diamètres
plus importants, la jante est constituée par des segments de tôle de
1 à 3 mm d’épaisseur, couvrant plusieurs pas polaires (2 à 6), empilés
avec chevauchement de un ou un demi-pas polaire d’une couche
à l’autre et reliés entre eux par des goujons traversants, formant ainsi
une chaîne continue résistant à l’éclatement par transmission des
efforts d’une tôle à l’autre. La figure 7 montre les détails de la jante
d’un rotor d’alternateur (4 alternateurs de 200 MVA à 300 tr/min).
Deux théories coexistent au sujet de la transmission de ces efforts.
Lorsque les tôles utilisées sont suffisamment minces (1 mm), et
si aucun évent de ventilation n’est prévu dans la jante, le passage
de la force d’éclatement d’une tôle à l’autre peut être assuré par le
frottement si les tôles sont suffisamment serrées entre elles par les
goujons et si l’on est assuré de la bonne conservation de ce serrage
dans le temps ; dans ce cas, les goujons ne sont pas dimensionnés
par l’effort de cisaillement exercé par les tôles, mais seulement par
l’effort de serrage nécessaire.
Lorsque les tôles sont plus épaisses (2 à 3 mm), et surtout si l’on
prévoit des évents de ventilation, le passage de l’effort d’éclatement
d’une tôle à l’autre excède l’effort transmissible par frottement ; on
est alors conduit à négliger le frottement et à dimensionner les
goujons pour transmettre par cisaillement les efforts d’une tôle à
l’autre ; le serrage n’a plus en ce cas qu’un rôle secondaire. Cette
deuxième théorie est celle employée le plus généralement. Le
schéma d’empilage est alors choisi de manière à annuler la résultante
des moments de flexion sur les goujons, pour éviter le vrillage
de la jante.
Il est intéressant de prévoir le découpage et le chevauchement des
tôles de jante, de manière à ménager dans les espaces interpolaires
des évents périodiques permettant de distribuer uniformément le
débit d’air dans l’alternateur (). Cette construction est impossible
avec des jantes à anneaux massifs en acier forgé, mais, grâce
aux progrès réalisés dans la métallurgie des tôles minces, nous
disposons actuellement de tôles à haute résistance (limite élastique
supérieure ou égale 600 à 700 MPa, par exemple), qui permettent
de réaliser des alternateurs de grande vitesse périphérique et de
mordre sur le domaine anciennement réservé à l’acier forgé. Ainsi,
ces jantes en tôles minces empilées, dont l’usage était anciennement
réservé aux alternateurs à basse vitesse, sont aujourd’hui
indifféremment utilisées pour des alternateurs de 800 MVA à
90 tr /min et de 200 MVA à 375 tr /min et même pour des
compensateurs synchrones de 300 Mvar à 900 tr/min, apportant
leurs avantages de refroidissement uniforme. Il en résulte une telle
amélioration du débit d’air et de sa répartition que les ventilateurs
d’extrémité sont supprimés dans beaucoup de cas, la jante se
comportant elle-même comme un grand ventilateur centrifuge à
action répartie, atténuant considérablement le gradient axial de la
température.


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